• L'ART DE JOUER (SUR)... 5

     

    Un quart d’heure après, voici l’anesthésiste, aussi amène qu’un « volontaire » désigné pour une corvée.

    L’infirmière de l’étage n’ayant pas daigné se manifester avant votre descente vers les blocs, vous n’avez ni bracelet d’identification ni cathéter ; si votre dossier est posé sur vos pieds, sans doute le devez-vous au brancardier. L’anesthésiste vous demande donc de quel côté vous voulez le cathéter : de cela aussi, vous vous moquez in petto ; vous lui dites de le poser du côté où il se trouve - à gauche, par conséquent. Il règle trop fort le débit du goutte à goutte (vous demanderez un peu plus tard à l’infirmière du bloc de le ralentir) et il répond assez malgracieusement à votre demande d’explication sur la fiche d’anesthésie (que vous avez tirée du dossier et consultée dans l’heure précédente, pour passer le temps.) Il pose aussi le brassard du tensiomètre, et s’agace parce que votre bras replié entrave son fonctionnement (par la suite, l’assistante du chirurgien, que vous aurez envie de rembarrer vertement, l’étendra avec brusquerie sur une gouttière). Après quoi il disparaît.

    Survient une infirmière, souriante, elle, qui se déclare chargée de prendre soin de vous au bloc. Elle vous glisse même que vous avez bien raison de vouloir être opéré en ambulatoire ; vous pensez que ce n’est pas vous qui « voulez », que c’est ce qui vous avait été annoncé ; mais vous ne vous sentez pas en état d’engager une conversation, vous n’avez pas d’énergie à gaspiller, elle est toute accaparée par le souci de tenir bon.

    L’infirmière tournicote, revient dire qu’elle ne veut pas vous installer trop tôt dans le bloc, où il fait froid, puis qu’elle a enfin le feu vert du docteur Hippocrate. On roule votre lit, on vous demande de vous glisser sur la table. L’assistante se présente, par son prénom, comme elles font toutes. Vous lui répondez d’un « Bonsoir » aussi glacial que l’atmosphère du bloc. Un souvenir teinté d’amertume vous effleure : lors de votre première opération, l’infirmière de l’étage avait ajouté une couverture sur votre lit en prévision, disait-elle, du froid qui vous attendait en bas.  Cette fois, on s’efforce de vous donner un peu de chaleur avec un séchoir soufflant, qu’on vous demande de tenir vous-même, parce qu’on a besoin de ses mains pour tendre l’écran destiné à vous isoler du charcutage imminent. On vous propose un casque et de la musique, que vous refusez sans explication, tout en pensant qu’on s’emploie vraiment trop à vous distraire du principal.


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