• LETTRES OUVERTES À...

    1 - Madame,

    Sans doute respectez-vous scrupuleusement - et aveuglément - les consignes de M. Cost... :

     

    « Schématiquement (hors homicide) il est prudent de faire état d'un OML à l'inhumation [OML = obstacle médico-légal]:

    *en cas de mort violente tel qu'un accident ou un suicide,

    *en cas de mort subite (mort naturelle, brutale, survenant contre toute attente chez un sujet en bon état de santé apparent),

    *en cas de mort suspecte (l'origine naturelle ou violente ne peut être déterminée, il y a une suspicion d'intervention d'un tiers). »

     Ni lui ni vous évidemment n’avez jamais songé à ce qu’il y a d’abusif à mettre sur le même plan une « mort subite naturelle » et les « morts violentes ou suspectes » et encore moins avez-vous essayé d’imaginer ce que vous infligez d’inhumain aux proches d’une personne brusquement décédée dans un magasin, en traitant sa mort comme suspecte alors même que cette personne a plus de soixante-dix ans, qu’elle habite dans un village à moins de dix kilomètres, qu’elle a tous ses papiers avec elle, et qu’il n’y aurait rien de plus facile que de passer un appel téléphonique à la mairie de ce village pour vous faire une idée du contexte familial et donc éliminer raisonnablement toute hypothèse d’intervention criminelle !

    Personne dans le monde médical ne saurait ignorer que « cocher » cette case sans même le justifier entraîne un charcutage aussi ignoble qu’inutile, que le jeu de ping-pong auquel se livrent le procureur (s’abritant derrière la compétence du médecin) et le médecin (s’en remettant à  la toute-puissance du procureur) est tout aussi indigne, et que dans ce contexte appeler « faveur » le droit élémentaire, accordé en catimini,  de voir l’être qu’on aime est une insulte à la douleur.

    Quant à la « prudence » dont il est question, permettez-moi de penser qu’elle est particulièrement égoïste si le premier souci d’un médecin doit être de se mettre à couvert de tout reproche émanant de l’administration  judiciaire ou autre !

    C’est oublier une phrase du Serment d’Hippocrate : « Je préserverai l’indépendance nécessaire » que de se soumettre sans réflexion à des diktats administratifs (sans fondement légal, qui plus est) au lieu de considérer d’abord ce que réclament les principes d’humanité.

     

    2 - Madame,

     [...]

     Il est tout à fait improbable qu’on vous pardonne un jour, aussi éloigné soit-il, la légèreté (cf. extrait joint) avec laquelle vous avez « coché la case » qui infligerait - vous ne pouviez pas l’ignorer - à un être qu’on aime l’inutile et ignoble charcutage que vous appelez autopsie.

    Vous êtes évidemment libre de vous réfugier une fois de plus derrière votre égide ... de papier mâché et remâché, tout comme on est libre de poursuivre dans d’autres voies qui ne seront peut-être pas toutes des culs-de-sac.

    Veuillez croire, madame, à notre regret de ne pouvoir vous assurer de notre considération :

    Un médecin digne de ce nom - urgence ou pas -  ne s’autorise pas à « cocher une case » aussi lourde de conséquences sans avoir au préalable pris contact avec les plus proches d’un mort qui porte sur lui tous ses papiers avec adresse et numéro de téléphone et sans s’être aussi soigneusement que possible informé sur lui.

    Document

    L’obstacle médico-légal

    Première information funéraire à renseigner dans le certificat, la case « obstacle médico-légal » est à cocher lorsque le décès survient dans des conditions violentes, suspectes, inconnues ou, de façon plus large, lorsque la responsabilité d’un tiers est susceptible d’être engagée ou lorsque l’identité de la personne décédée n’est pas certaine.
    Des recommandations européennes établissent une liste des situations devant lesquelles la pratique d’une autopsie judiciaire est préconisée (tableau 1), mais elles n’ont pas de valeur législative […] 

    Il appartient au seul médecin de juger de la pertinence de cet obstacle […]

    L’obstacle médico-légal ne doit cependant pas être coché avec légèreté, car il implique la suspension de toutes les opérations funéraires […].

                                 La Revue du Praticien  - novembre 2018

                                                                       


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