• L'ART DE JOUER (SUR)... 7

     

    Un peu de relâchement doit alors s’opérer en vous, tandis qu’on vous roule - mais qui ? par quel chemin ? - vers une de ces salles dite de réveil, où votre vigilance vous revient à entendre récriminer un infirmier : son service finit à dix-neuf heures et il n’entend pas le prolonger ! De fait, une vingtaine de minutes plus tard, il vous déménage, en s’excusant de la maladresse qui lui fait cogner votre lit à chaque tournant - il n’est pas brancardier, n’est-ce pas ? Vous voilà dans une autre salle, où papotent deux ou trois infirmières à qui votre cicérone se plaint qu’on lui ait « amené une rachi à dix-huit  heures trente », avant de vous abandonner à leurs soins. Elles ne sont pas débordées : vous n’avez qu’une voisine, endormie, que vous entendrez geindre par moments sans qu’elle parvienne à se réveiller tout à fait, malgré les louables tentatives de conversation d’une infirmière qui s’applique à l’appeler par son prénom,  à l’assurer que l’opération est finie, que tout va bien, puis qui se rabat sur vous pour vous demander gentiment quel était votre métier, si vous l’aimiez, comment vous le viviez. Il est à craindre que vos réponses laconiques portent la trace de votre humeur rien moins qu’aimable : elle renonce vite. Elle - ou une autre - revient à intervalles réguliers contrôler la réapparition de votre sensibilité, laquelle se fait attendre. Vous aimeriez vous laisser glisser dans le sommeil, alors qu’il vous faut tenir, tenir encore. Vous voyez passer un radiologue avec son matériel ; il est censé vérifier qu’on n’a rien oublié sous votre peau ; vous vous demandez si c’est très utile ou si c’est juste un moyen de récolter quelque subside supplémentaire, mais vous laissez faire. Le téléphone sonne ; vous entendez qu’on parle d’une dissipation d’anesthésie un peu lente ; il s’agit peut-être de vous puisque l’infirmière vient vous dire que votre famille vous attend avec impatience, ou peut-être s’est-elle trompée de destinataire : à votre connaissance, une seule personne vous attend.

    Au bout de deux bonnes heures, il semble qu’enfin votre peau réagisse correctement au toucher, que vos membres bougent de façon satisfaisante. Un brancardier vous reconduit dans votre chambre.


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